Gestion des ressources humaines: levier des projets à impact

Dimension humaniste et standards de management

Xavier Van Den Bossche
10 min readJun 8, 2024

Me revoici engagé dans un nouveau challenge, j’ai repris début mars 2024 la coordination d’Habitat et Humanisme. Un Mouvement puisque c’est ainsi qu’il est défini lancé par Bernard DEVERT en France en 1985 et initié en Belgique par Louis DE BEAUVOIR début des années 2000.

Le Mouvement s’articule au travers de 4 structures qui permettent de piloter les différents pans de l’activité. 2 association sans but lucratif (asbl de droit belge récemment révisé) HHAB (Habitat et Humanisme Accompagnement Bruxelles) et HHDB (Habitat et Humanisme Développement Bruxelles), une SA HHIB (Habitat et Humanisme Investissement Bruxelles) et une HH FUP (Habitat et Humanisme Fondation d’Utilité Publique.

Chacune de ses structures est pilotée par un président et une équipe d’administrateurs bénévoles au même titre que lui. Il s’agit la plupart du temps de personnes ayant eu des carrières en lien avec les activités d’HHB et qui ont été cooptés par les membres des Conseils d’Administration respectifs. Au regard des besoins pour réaliser les objectifs fixés.

La singularité du Mouvement HHB est de déployer une offre à impact sur une problématique aussi ambitieuse que la lutte contre le mal logement en poursuivant ses objectifs avec un large contingent de bénévoles qui interagissent de manière souvent très rapprochée avec l’équipe opérationnelle.

Cette offre unique vise la durabilité et le développement de l’offre en font un projet vraiment singulier dans le paysage bruxellois.

Les reste de l’effectif étant composé d’une petite équipe de salariés dont j’ai repris la coordination ainsi que le développement pour l’ensemble de l’activité en Belgique.

Le Mouvement fête donc ses 20 ans et est en pleine Transmission de la Source comme le dirait Peter KOENING.

Au regard de ces défis systémiques et afin de conduire ce changement. Mais surtout pour inscrire Habitat et Humanisme comme acteur à impact dans les 20 années à venir un travail important de synthèse et sur les priorités de la Transmission est entamé avec BeGreat.

LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES VOLONTAIRES
DANS LES ASSOCIATIONS :
QUELS IMPACTS DE LA PROFESSIONNALISATION ?
Etude rédigée par Lucie BUTTIENS et Véronique ROUSSEAUX suite au mémoire
sur le sujet que Lucie B. a présenté à la Louvains School of Management de
l’Université catholique de Louvain, sous la direction de Nathalie Delobbe, en
vue de l’obtention du titre de Master en sciences de gestion.
Etude 2015 — Oxfam-Magasins du monde

Les entreprises Economie Sociale (ES) se distingue par des activités économiques menées par des coopératives, des mutuelles et des associations. Ces entités priorisent le service aux membres ou à la communauté plutôt que le profit. Elles se caractérisent par une gestion autonome, des décisions démocratiques et une répartition des revenus favorisant les personnes et le travail sur le capital.

Ces dernières années une classe particulière de projet sociétaux émergent: les projet à Impact

GRH dans les projets à Impact: Impact Case HHB

Le secteur associatif et les asbl sont la forme juridique prédominante dans l’économie sociale en Belgique, jouant un rôle crucial en termes d’innovation sociale, d’emploi, et comme contributeur à la richesse régionale. En Belgique, les associations représentent 11,9% de l’emploi salarié et 5,5% du PIB.

Contexte de Transition: accélération post COVID

Dans la foulée de la pandémie, une relecture de la législation en oeuvre pour les association sans but lucratif a vue le jour. De manière concomitante la refonte du statut d’artiste par exemple montre les changement et évolution du marché du travail pour s’adapter aux NWoW (New Ways of Working). Les associations ont récemment traversé une phase de professionnalisation, marquée par des restructurations internes pour s’adapter à des modèles de gestion similaires à ceux des prestataires de services privés. Ce processus inclut l’embauche de salariés pour remplacer des bénévoles, attirant des travailleurs qualifiés et offrant des formations pour développer les compétences internes.

Prise en compte de la complexité: facteurs de professionnalisation

Facteurs exogènes

  • besoin de croissance : augmentation du nombre et de l’importance des associations dans le contexte socioéconomique belge
  • complexification croissante : besoin accru de produire des biens et services complexes, nécessitant une gestion RH sophistiquée
  • concurrence accrue : compétition avec les entreprises privées et entre associations, poussant à une meilleure gestion RH pour attirer financements et talents

Facteurs endogènes

  • volontariat : les bénévoles recherchent réalisation de soi et épanouissement personnel, ce qui incite les associations à offrir des environnements épanouissants et professionnels pour éviter leur départ
  • exigences des employés : les salariés attendent un contexte de travail normalisé avec une politique du personnel claire

Conséquences et risques de la mise à l’échelle: dilution motivation, burn out

La professionnalisation entraîne des critères d’efficacité similaires à ceux des entreprises privées, ce qui peut parfois perturber les objectifs de solidarité des associations. Il existe des craintes quant à la transformation de l’engagement militant en emploi salarié, risquant de nuire à la mission sociale initiale. De plus, la collaboration entre bénévoles et salariés peut être fragilisée, et les projets collectifs qui nécessite des designs plus élaborés et demander plus de ressources peuvent entrer en conflit avec les ambitions personnelles des salariés ou la motivation des bénévoles/administrateurs.

Gestion des ressources Humaines (GRH) dans le Secteur de l’Économie Sociale : un équilibre délicat

Le secteur de l’économie sociale, et plus particulièrement les associations, se trouve à la croisée des chemins entre la mission sociale et les exigences économiques. La gestion des ressources humaines (GRH) y est essentielle, bien que souvent sous-développée, créant ainsi un paradoxe notable.

Habitat et Humanisme Belgique ne fait pas exception à la règle malgré une expérience accumulée en France par la Fédération et une volonté de mutualisation forte au travers de pratiques pair à pair d’une infrastructure numérique de documentation et de capitalisation sur l’expérience acquise dans chacune des entités du Mouvement.

Définitions et Importance de la GRH

Les entreprises sociales, à l’instar de leurs homologues des secteurs privé et public, doivent gérer leurs ressources humaines de manière rigoureuse et professionnelle. La GRH est définie comme un ensemble de pratiques visant à résoudre avec efficacité, efficience, et équité les problèmes liés au cycle de l’emploi (St-Onge et al., 1998). La GRH est de plus en plus reconnue comme un facteur crucial de succès, contribuant à l’apprentissage et à la construction d’un avantage concurrentiel durable (Noguera et Khouatra, 2004).

La GRH dans le Secteur Associatif

levier et point d’attention fondamental

Dans les associations, les ressources humaines sont souvent le principal facteur de production, en raison de ressources financières et technologiques limitées. Elles jouent également un rôle central dans l’action collective et sociale, articulant les compétences et projets variés autour de réponses aux problèmes sociaux actuels (Laville et Sainsaulieu, 1998).

domaine trop peu développé

Malgré l’importance reconnue de la GRH, ce domaine reste peu structuré dans les associations, souvent géré de manière intuitive et informelle (Davister, 2006a). Les raisons incluent le manque de formation des dirigeants, l’insuffisance de moyens, et une réticence idéologique à adopter des pratiques managériales perçues comme contraignantes.

tensions entre mission sociale et objectifs économiques

Les associations doivent jongler entre leur mission sociale et les exigences de viabilité économique, ce qui crée des tensions internes. Les objectifs sociaux et économiques doivent être équilibrés, une tâche complexe mais nécessaire pour assurer la durabilité des organisations (Moreau, 2010).

formalisation de la GRH

Pour répondre aux exigences des parties prenantes, les associations doivent formaliser leur GRH. Cela implique de définir des politiques claires, d’évaluer les responsabilités, et d’utiliser des outils de GRH adaptés au contexte associatif. Une formalisation appropriée permet d’éviter des pratiques trop affectives ou informelles qui peuvent nuire à la transparence et à la mobilisation des travailleurs (Davister, 2010).

fonctions et catégories de Ressources Humaines

La gestion de la motivation et de l’implication des travailleurs est cruciale dans les associations. Les autres fonctions clés incluent le recrutement, la politique salariale, les conditions de travail, et le leadership. Les catégories de ressources humaines dans ce secteur comprennent les salariés, les bénévoles, les personnes en insertion, et les coopérateurs, chacune ayant des attentes et des motivations spécifiques (Davister, 2006a).

Si nous ne changeons pas nos approches pour résoudre les problèmes, il y a peu de chances que nous réagissions mieux que par le passé. Notre principal obstacle est enraciné dans notre approche traditionnelle, linéaire de la résolution de problèmes.

Conduite du changement: HHB approche linéaire vs approche systémique

Mon premier rôle en tant que leader lors de mon onboarding chez HHB a été de définir précisément les enjeux latents et d’établir un diagnostic clair des challenges à relever avant de pouvoir espérer agir. Etant donné que la structure est en pleine phase de Transmission de la Source, le momentum des 20 étant propice à la synthèse, on pourrait croire que l’ensemble des signaux aurait été au vert. Cependant l’absence de management ces 5 dernières années et le manque endémique décrit plus au niveau du secteurs associatif de GRH ont créé pas mal de confusion.

L’amalgame pouvant rapidement être fait de confondre les causes et les conséquences. Piège classique de tout engagement sur la voie du changement et de la Transition.

Nous pensons résoudre des problèmes complexes de la même manière, mais notre approche traditionnelle ne fonctionne pas bien.

Les problèmes complexes sont différents. Ils ne peuvent pas être facilement séparés. Ils sont enchevêtrés.

L’accompagnement communautaire: cœur du modèle disruptif

Nous devons travailler en étroite collaboration avec d’autres personnes pour trouver une solution. Et ils ont leurs propres idées, qui peuvent facilement être différentes des nôtres. Après tout, nous voyons tous la réalité d’un perchoir différent.

Design collaboratif de HHB pour faire émerger les compétences d’Accompagnement au logement et nouveaux comportement de consommation par rapport à l’immobilier social

EN tant qu’acteur de changement, chez HHB nous avons appris que les solutions à des problèmes récurrents et complexes émergent de collaborations grâce à un processus d’innovation sociale basée sur l’Accompagnement de public fragilisés favorisant la mixité sociale (locaux communautaires). Nous développons et testons des solutions à partir d’Impact Cases dont nous disposons déjà. voir réalisation promotion existantes Perle, Joly, VAN HAMME.

Mais faire cela est plus difficile qu’il n’y paraît. Les collaborations productives nécessitent de nouvelles compétences et de nouveaux comportements.

Bien qu’elle commence par les individus, une « culture collaborative » émerge de nouveaux modèles de pensée, de comportement et de travail ensemble. Nouvelles routines. Nouveaux réseaux d’apprentissage par la pratique.

Le Mouvement Habitat et Humanisme moteur pour augmenter le volume et la vitesse de collaboration productive dans le secteur de la promotion immobilière sociale à Bruxelles

Nous avons découvert qu’en suivant un ensemble de règles simples, nous pouvons accélérer le volume et la vitesse des collaborations productives. Nous pouvons former ces collaborations rapidement, les faire évoluer vers des résultats mesurables et apporter des ajustements au fur et à mesure que nous apprenons par la pratique.

Nous avons également appris que nous pouvons enseigner ces nouvelles compétences et ces nouveaux comportements, afin de pouvoir étendre cet apprentissage à l’ensemble des organisations, des réseaux et des communautés.

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Ces dernières semaines, nous avons travaillé avec mon équipe à plusieurs dossiers complexes liés à l’historique du développement de la structuration du Mouvement HH en Belgique. J’en propose ici quelques question qui pourraient aider à circonscrire un périmètre de travail et faire émerger des dispositifs d’apprentissage.

>> Pouvons-nous tirer parti du pouvoir de mobilisation d’un ensemble d’acteur privés réunis dans un Incubateur à Impact en plein coeur de la capitale bruxelloise pour développer un Set OpenSource méthodologique et d’outils afin de faire monter en compétences les acteurs de changement.

>> Comment activer une plateforme comme SoHoNet par exemple pour le développement d’un écosystème d’innovation sociale pour faire émerger de nouvelles pratiques plus vertueuses sur le marché du logement à Bruxelles et plus largement si affinité?

>> Pouvons-nous concevoir une approche reproductible et durable d’une pour l’Accompagnement de personne mal logées au travers de pratique pair à pair de documentation de savoir, savoir-être et savoir faire?

>> Pouvons-nous designer et gérer un réseau d’acteurs capables de proposer des POC (Proof of Concept) prototype d’une mise à l’échelle plus large et bénéficiant de capitaux spécifiques pour faire levier?

>> Pouvons-nous partager/distribuer/mutualiser les ressources ce que nous avons appris entre acteurs et dépasser les contraintes limitantes des silos favorisant l’opposition public/privé/philantropique avec les entreprises confrontées à leurs défis complexes ?

Conclusion

La gestion RH dans l’Economie Sociale, particulièrement dans le secteur associatif, est en pleine évolution. La professionnalisation est nécessaire pour répondre aux défis actuels de croissance, de complexité et de concurrence.

Une grande plasticité cognitive est nécessaire pour dépasser les comportements habituelles = changement de type 1 dans la Théorie du Changement (ToC). Ceci afin d’espérer pouvoir mettre en oeuvre des changements systémiques de types 2 capables de vraiment impacter et proposer une rupture avec les standards actuelles de projet à impact ambitieux mais qui peine à délivrer alors de des fonds conséquents leurs parviennent.

Il est crucial pour le Mouvement Habitat et Humanisme de préserver les valeurs fondamentales de solidarité et d’engagement, tout en adaptant les pratiques RH pour améliorer la performance économique et sociale des associations.

C’est en ce sens qu’un travail de fond sur la Transmission et la Gouvernance est engagé à l’occasion des 20 ans d’HHB. Ce travail de synthèse doit nous permettre de projeter le Mouvement dans les 20 prochaines années et équiper de standards Futur Fit le projet pour qu’il incarne les nouvelles normes et développe une narrative à la hauteur des changements attendu afin de solutionner la problématique du logement.

La GRH dans les associations de l’Economie Sociale nécessite une approche équilibrée, intégrant des pratiques professionnelles tout en restant fidèle à la mission sociale. La formalisation de la GRH, la gestion des tensions entre objectifs sociaux et économiques, et la reconnaissance des spécificités (USP — Unique Selling Proposition forte) des différentes catégories de ressources humaines sont des éléments essentiels pour assurer la durabilité et la performance des associations au travers d’une offre Unique. En fin de compte, une gestion rigoureuse et humaniste des ressources humaines peut renforcer l’impact social et l’efficacité des associations dans leur volonté de résoudre des problèmes sociétaux.

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