La Transition comme nouvel imaginaire du changement

Subir ou se réapproprier le Futur: nouvelle narrative pour l’entreprenariat à Bruxelles

Xavier Van Den Bossche
22 min readAug 9, 2022

Complexité et théorie des systèmes

La complexité caractérise le comportement d’un système dont les composants interagissent localement et de façon non linéaire, ce qui se traduit par un comportement difficilement prédictible. La complexité peut donc caractériser un système “composé d’un grand nombre d’éléments interagissant sans coordination centrale, sans plan établi par un architecte, et menant spontanément à l’émergence de structures complexes”.

Conduire le changement dans un système complexe

Transition: Premier pas vers la résilience

Être résilient c’est avant tout la propriété d’un système à revenir à un état d’équilibre. Passer d’une situation a) à une situation b) constitue tout au plus un parcours, cela ne rend en rien plus résilient. Par contre la plupart du temps le chemin change le système.

La Transition Economique consiste à changer de modèle économique, en passant d’une économie linéaire à un écosystème dans lequel les connexions et interactions entre les systèmes se seraient densifiées.

Qu’en est-il dès lors de nos pratiques entrepreunariales, quel type d’accompagnement est-il opportun d’offrir dans un contexte de changement exponentiel?

C’est à ce travail que le GEL DANSAERT essaye de répondre depuis janvier 2022.

Modèle non-linéaire, Ecosystème, entropie

Notre économie est basée jusque là sur les lois de la physique newtonienne, l’entropie n’y est pas prise en compte ce qui mène aux incohérences d’un système économique qui ne tient pas compte des externalités.

La Circularité tente d’introduire un nouveau paradigme dans notre manière de créer de la valeur et bouscule par la même nos modèles économiques. Ces nouveaux principes sont en rupture et proposent une vision hétérodoxe de notre Économie. En proposant de tenir compte des principes de la thermodynamique et donc de l’entropie c’est tous nos standards habituels et nos repères qui volent en éclats.

Imaginer cette nouvelle économie à l’échelle d’un territoire nécessite l’identification d’un pool d’acteurs précurseurs de ce changement capables d’incarner une nouvelle réalité économique.

Identifier et accompagner la conduite du changement auprès de ces acteurs a été au centre de la démarche du GEL DANSAERT depuis janvier 2022.

Système complexe et propriété émergente

Dans un écosystème à l’échelle d’un territoire sur lequel on aurait réussi à cartographier un ensemble d’acteurs économiques capables d’incarner une nouvelle économie plus circulaire (non-linéaire) et régénérative, quelles propriétés émergentes apparaitraient?

Quel enfant n’a jamais été intrigué par ces longues files de fourmis qui cheminent et trouvent le chemin le plus court ? Ou encore par les nuées d’oiseaux ou les bancs de poissons qui se déplacent de façon si synchronisée… C’est ce qu’on appelle une propriété émergente ou d’auto-organisation : c’est une propriété que possède un système mais que ne possèdent pas les éléments qui constituent ce système.

Ces systèmes semblent défier les principes d’entropie et la seconde loi de la thermodynamique puisqu’ils créent de l’ordre en l’absence d’une organisation centralisée. C’est pourtant la stratégie que la nature semble avoir sélectionnée au cours de l’évolution dans de nombreux systèmes biologiques.

Cette auto-organisation peut apparaître lorsque plusieurs acteurs adoptent une action qui leur procure un avantage compétitif sur leurs congénères. Cela crée un motif qui s’auto-entretient et attire d’autres acteurs. En économie, un des exemples les plus célèbres est la main invisible des marchés, métaphore choisie par Adam Smith pour décrire les propriétés des marchés dans sa théorie économique libérale :

He intends only his own gain, and he is in this, as in many other cases, led by an invisible hand to promote an end which was no part of his intention. A. SMITH

Inférence et biais cognitifs

Changer de paradigme Economique sans impacter les modèles d’affaires qui sous-tendent la création de valeur semble un raccourci qui mène à l’inférence. C’est une opération qui permet de passer d’une ou plusieurs assertions, des énoncés ou propositions affirmés comme vrais, appelées prémisses, à une nouvelle assertion qui en est la conclusion.

En somme confondre les causes avec les effets…

Lorsqu’on change de référentiel, le système tout entier lutte pour maintenir un équilibre. Durant cette phase il est facile de confondre la cause et les effets, nos mécanismes primaires d’Homo Sapiens font appel au cortex pré-frontal et activent des zones de réflexes qui s’appuient sur les biais cognitifs de nos apprentissages.

Une partie du métier de facilitateur est de désamorcer cette mécanique et d’en faciliter l’agilité.

Méthode du Scenario planning et TOC

La capacité de l’entrepreneur à soumettre son projet au “crash test” du scenario planning vise à permettre une plus grande résilience du modèle économique déployé.

La planification par scénarii comprend l’imagination d’environnements futurs, possibles et pertinents, avec lesquels une structure pourrait avoir à faire.

L’objectif de l’approche est d’être mieux préparé à l’avenir ainsi envisagé. La planification par scénarii est utilisée pour mettre en perspective à
long terme
les décisions et les actions qui doivent être prises aujourd’hui.

Les scénarii sont un moyen pour arriver dès à présent à prendre des décisions et à mener un ensemble d’actions. Il s’agit de collecter et de structurer information au mieux et que celle-ci soit de la meilleure qualité possible. C’est l’équivalent de l’actualisation financière (« Net Present Value ») utilisée dans les augmentations de capital ou planifications d’investissements,
afin d’analyser la rentabilité d’un projet.

L’exercice vise à identifier les questions qui devraient, aujourd’hui, faire partie intégrante de toute réflexion stratégique sur le déploiement d’un projet entrepreunarial. La pensée par scénario est — par essence — une pensée systémique appliquée à l’environnement auquel nous sommes confrontés.

La Théorie du Changement (ToC), permet de conduire le changement en proposant une et un plan d’action clair à l’entrepreneur pour transformer son modèle économique et le rendre résilient aux enjeux d’un futur écologiquement durable, socialement inclusif et économiquement prospère.

Enfin le Monde d’après… de la perspective de l’effondrement à la logique de nouveaux modèles économiques plus contributifs

Nous sommes passé des récits de fin du monde des collapsologues à la prise de conscience de la nécessité de faire une contre proposition au monde tel qu’il ne va plus… Et laisser apparaitre le fameux Monde d’après.

Avec l’arrivée des vaccins, les plans de déconfinement ont fleurit. Cette première expérience d’effort collectif ne préfigure t-elle pas les prémices d’un effort bien plus critique?

Pour chacun de nous dans ce moment si particulier, il importe de distinguer la reprise de la répétition. Est-ce qu’on reprend le fil de nos vies ou est ce qu’on se répète? Du nouveau doit advenir, quel nouveauté peut-on engager? Se réinventer, innover mais comment, quand et pour proposer quoi d’autre? Une reprise qui ne soit pas une répétition mais doit-il s’agir d’une rupture?

Combien d’entrepreneurs en tant que force vive du dynamisme économique d’une région n’ont-ils pas été confrontés à ces questions profondes et essentielles?

Comment être un acteur économique de ce monde en changement exponentiel? Y a t-il une boussole pour orienter nos prises de décisions et nos plans d’actions?

Rupture: wording ou importance des mots…

Plus nous avançons dans la vie plus l’écart sémantique devient important. La crise du Corona virus en 2020 aura permit à chacun d’entre nous un retour sur soi. Une petite interruption et probablement une introspection. Ne plus vivre au-dehors mais pour une fois être avec soi, chez soi, en soi, en NOUS.

Dans mon travail de Facilitateur en Transition au GEL DANSAERT (Guichet d’Economie Locale), je vois des entrepreneurs tous les jours, ces indépendants sur qui nous comptons pour transformer l’économie bruxelloise et incarner le Changement tant espéré.

La reprise risquait d’être décevante. Ces quelques semaines d’abord, devenus des mois pour atteindre une année, puis deux, auront offert à chacun d’entre nous l’espoir d’une seconde Vie, au début, pour éviter la perspective du regret d’être passer à coté de la sienne.

La première fois n’aura pas été suffisante pour bon nombre d’entre nous. Nous avons surement eu le sentiment de nous y reprendre, de pouvoir compter sur une seconde chance encore. Pour mieux faire, pour mieux vivre ou simplement pour affirmer qu’on ne voulait pas un retour à l’ “a”normal.

Penser le Futur: complexité du présent

J’ai pu mesurer mieux comment, la suite, dépend de moi, de NOUS. Pas moi en tant qu’individu mais un MOI en tant que sommes des autres. En tenant mieux compte de ce MOI qui est une addition de tant d’autres. J’ai développé secrètement en moi cette capacité à ne plus soustraire mais à reconnaitre la richesse additionnée en moi au contact des autres. Comme un ensemble de ressources à mobiliser dans la fraction de l’instant. Au lieu d’accepter le stade atteint, le statut quo, apprendre à se projeter dans l’avenir en acceptant de vivre pleinement le moment, les instants.

De cette introspection est venu l’idée de proposer un approche qui puisse dépasser le constat d’une économie plus circulaire. Une méthodologie et des outils qui puissent faire émerger des dynamiques multi-acteurs qui transforment notre économie régionale en un écosystème plus vertueux et régénérateur.

Cette prise de conscience durant le Covid correspond à mon inscription à la formation de Facilitateur en Economie Circulaire à l’Institut d’Eco-conseil de Namur. Et quelques mois plus tard à ma prise de fonction début 2022 au Centre DANSAERT.

Reprise, non pas répétition: qu’est ce qu’implique de plus la répétition?

Ce qui chemine sans bruit, un déplacement souterrain, une propension muette, échappant à la volonté. Il n’y a pas rupture mais réorientation. A partir de tout ces petits décalages, émergent du nouveau, un nouveau récit, une corroboration à la conscience.

C’est à ce moment là qu’une réforme, qu’une Transition peut commencer. L’expérience comme une ressource de possibilités à exploiter. Pas une mue, pas une mutation, est-ce une maturation? Dans la continuité, nos certitudes se sont fissurées, conduisant à un NOUVEAU possible. La résilience c’est revenir à un état d’équilibre…

De ces instants abstraits durant les périodes de confinement se sont dégagés un sentiment de liberté qui n’a pas duré. La plupart des indépendants se sont vite vu confrontés à la réalité des factures qui s’accumulent. A des choix terribles par rapport à leurs équipes, souvent l’envie de tout plaquer est venue en ligne de compte.

Indépendance vs liberté

Question de la liberté, liberté effective, pas la liberté métaphysique kantien, celle qu’on comprend par l’entendement, la science de la compréhension. La liberté de découvrir par soi-même, n’est ce pas ça le Drive de la plupart des entrepreneurs, se découvrir, le temps d’un projet entrepreneurial, au travers de l’expérience accumulée le temps d’une Vie.

C’est souvent le drive qui met en mouvement les porteurs de projets.

Depuis début janvier et ma prise de fonction au Guichet d’Économie Locale (GEL DANSAERT), avec ma collègue Géraldine, nous rencontrons tous les jours des indépendants qui vivent pleinement le développement de leur projet dans une réalité de plus en plus soumise aux chocs, au changements.

Disruption: définition du WHY? Moi fantasmé du porteur

Qu’en est-il de la liberté? Est-ce que la liberté n’est pas ce qui s’ouvre, s’amorce progressivement en nous? Au début, nous sommes sous influence, nous ne sommes pas conscients que nous sommes en capacité de choisir, de faire, d’entreprendre… et parfois même de bifurquer

L’entreprenariat est alors un processus d’encapacitation comme l’aurait dit Bernard STIEGLER

Décaler sa vie, le moment présent et de la vie passée. Liberté d’établir ses propres règles, ses propres vérités en adéquation avec nos ressources propres. C’est bien ça le défi du moment: bifurquer, se changer pour espérer faire changer le système…

La conduite de ce changement c’est le processus que l’on facilite au GEL DANSAERT avec les entrepreneurs qui viennent nous voir.

La théorie des bifurcations, en mathématiques et en physique est l’étude de certains aspects des systèmes dynamiques. Une bifurcation intervient lorsqu’un petit changement d’un paramètre physique produit un changement majeur dans l’organisation du système

C’est la beauté du moment intense qui nous vivons. Terrible, confrontant mais passionnant.

Drive du porteur et proposition de valeur

Accompagner ce changement est devenu mon challenge quotidien au coté d’entrepreneurs qui veulent transformer leur projet en un véhicule adapté au futur.

La plupart du temps mon job consiste à faciliter l’identification du drive du porteur (ce qui le met en mouvement) et l’adéquation de cette intention dans la proposition de valeur telle que l’énonce l’entrepreneur dans le déploiement de son projet.

Rupture MAIS pas séparation

La réflexivité devient possible, nous pouvons commencer à choisir. Notre capacité à mesurer les possibles s’affine. Et au Centre DANSAERT, nous travaillons cette mise en capacité par l’approche du scenario planning. Nous commençons à pouvoir nous orienter grâce à une nouvelle boussole émotionnelle. Il nous devient possible d’engager une liberté. La liberté vient, elle n’est pas donnée.

Parce que nous apprenons à frotter avec la liberté, le discernement nous vient. Nous pouvons commencer à engager une liberté: la Transition.

La liberté elle vient, elle n’est pas donnée.

Ou commence effectivement la liberté. L’entreprenariat serait-elle une forme de liberté? De la liberté progressivement devient possible. Délibérer avec soi-même. Faire épreuve de liberté.

La compréhension que nous avons de l’entrepreneuriat doit beaucoup à l’économiste Joseph Schumpeter ainsi qu’à l’école autrichienne. Pour Schumpeter, un entrepreneur est une personne qui veut et qui est capable de transformer une idée ou une invention en une innovation réussie. L’entrepreneuriat conduit à une « destruction créatrice » dans les marchés et les secteurs de l’économie parce que de nouveaux produits et modèles économiques arrivent et remplacent les anciens. Ainsi, la destruction créatrice est à l’origine du dynamisme industriel et de la croissance à long terme. Il semblerait qu’à notre époque la Transition vient se substituer au mécanisme de destruction créatrice?

L’ancien monde où l’hypothèse d’un système économique basé sur les principes newtoniens sans entropie disparait peu à peu pour laisser place à une économie qui tient compte de la thermodynamique et que nous souhaitons plus circulaire et régénérative.

Repair the Futur

Quand la vie avance, il y a alternative, mais alternative en quoi? L’entreprenariat comme design d’une rencontre avec soi-même. Se projeter, faire projet, prendre son destin entre ses mains comme beaucoup d’entrepreneurs se le figurent.

Soit on continue comme avant et la vie s’enlise. Soit il se passe quelque chose et une réflexivité devient possible et les petits décalages font qu’un écart s’ouvre. Souvent cela nous pousse à faire le bilan de nos vies. Une initiative apparait, “du début” commence à devenir possible. Du début commence à s’esquisser. Le reconnaitre, l’assumer c’est faire la réforme de sa vie. A l’échelle d’un territoire est-ce que ce serait entrer en Transition?

Le Grand début n’est-il qu’un mythe, c’est petit à a petit que le début arrive.

Dimension de responsabilité, faire le point de départ de la réforme de sa vie.

EXISTER = se tenir hors

Quand peut-on commencer à exister? = Se tenir hors. Hors des conditionnements : sociaux, éducatifs,… commencer à sortir de ce dedans. Du milieu du conditionnement. Être un sujet existant. Réflexivité du dedans de la vie.

L’entrepreneur façonne son projet avec une réflexivité sur ce qu’il est. Au départ du parcours d’accompagnement ce constat est premier. Quel profil vient nous exposer quel déploiement de quel modèle d’affaire?

Facilitateur en Transition au GEL DANSAERT

La sortie de Crise en ce début 2022 fut l’occasion pour moi de m’inscrire dans une nouvelle expérience professionnelle au sein du Centre DANSAERT. J’y intègre l’équipe comme Facilitateur en Transition.

Cette fonction et le référentiel métier en lui-même est à construire.

La perspective de la fin du PRR (Plan de Relance Régional) et l’activation du Plan de Transition Economique en RBC (Région Bruxelles Capitale), ouvre la porte à l’intégration d’une nouvelle dimension du Développement Durable: la durabilité avec un focus sur l’Economie Circulaire. En effet, la politique régional porte au travers du concept d’économie Donuts une vision à 360°.

L’activité historique d’un Guichet d’Économie Locale est d’accompagner à la pré et post-création d’entreprise. Le GEL DANSAERT renforce son positionnement et intègre dans son équipe de coachs un facilitateur en Transition qui englobe le changement de paradigme à opérer dans la perspective de la Shifting Economy. Les prémisses de ce changement dans la politique régionale passent par un soutien aux entreprises qui valorisent une plus grande circularité dans leurs modèles d’affaires.

Le rôle de Facilitateur en Transition émane clairement de ma formation de 18 mois à Namur à l’Institut Eco Conseil (IEC) comme Facilitateur en Économie Circulaire).

J’en propose ici une première définition qui est un point de départ:

Le Guichet d’Economie Locale (GEL) du Centre DANSAERT fait partie du dispositif régional de soutien à la Transition vers des perspectives économiquement prospères, socialement inclusives et écologiquement durables.

Notre défi en tant que facilitateur en Transition est d’inscrire les projets qui font appel à nous dans la Transition économique de la Région Bruxelles Capitale (RBC).

Le parcours d’accompagnement au GEL Dansaert fait évoluer le déploiement du projet en renforçant la résilience au travers d’une méthodologie basée sur des scénarii prospectifs.

La planification par scénario est complétée par des outils spécifiques issus de la Théorie du changement (ToC).

L’axe accompagnement entrepreneurial qui constitue le métier de base du GEL DANSAERT, est renforcé par un axe cognitif qui doit amener l’entrepreneur à devenir plus résilient dans un environnement de travail en croissante complexification et soumis à des chocs de plus en plus fréquents.

Sortie de Crise et perte de sens

Nous sommes confrontés à l’heure actuelle à une fascination vis-à-vis de ce futur annoncé, on a beaucoup parlé au début de la Crise du Covid du Monde d’après. Perspective qui porte en elle-même un sentiment de vertige.

La prise en compte des changements tant au niveau intellectuel qu’émotionnel et professionnel amène une réflexion sur la complexité et un sentiment de perplexité par rapport à des futurs parfois concurrents.

Combien d’entre nous ne se sont pas posés des questions existentielles par rapport à leur projet de Vie, leur projet professionnel et la recherche de sens.

La Crise comme catalyseur et la Relance comme perspective d’un changement vers un nouvel imaginaire. Différentes propositions sont faites et mon rôle au CD aujourd’hui est de proposer une méthodologie qui permette de faciliter la capacité au changement des entrepreneurs bruxellois.

Épuisement professionnel et Transition

Notre action avec ma collègue Géraldine BERTRAND est d’identifier les porteurs de projets qui ont grâce à leur résilience pu dépasser la Crise du Covid.

Les identifier et reconnaitre leur épuisement professionnel parfois. Vous l’imaginez, certains sont au bord de la faillite ou du burn out à cause des chocs répétés qui ont été assenés à leur projet tout au long des 2 dernières années. Et d’autres continuent à penser qu’il sont en mesure d’incarner la Transition économique tant souhaitée.

Les porteurs cristallisent la plupart du temps l’ambition d’une vie dans leurs projets. Au travers d’une méthodologie spécifique au concept de Transition, il est question de leur proposer de penser la suite. De redéfinir les moteurs qui les ont poussés à entreprendre et repenser leurs modèles économiques dans une perspective Durable avec un focus sur l’Economie Circulaire.

Technologie et communication comme accélérateur de changement

Ces 2 marqueurs catalysent et accélèrent la perception et les capacités d’adaptation qui font jusque-là la différence pour les sapiens que nous sommes.

La technologie et le low-tech y sont inclues comme exosomatisation (“qui est à l’extérieur du corps”) de la capacité humaine, démultiplie les effets de nos actions en leurs offrant puissance et rapidité.

La communication quant à elle offre une quasi-synchronicité qui donne la possibilité à des événements d’avoir des répercussions innombrables et immédiates et surtout permet de fédérer et d’organiser des groupes de sapiens autour d’enjeux communs.

Ce nouveau contexte réorganise nos manières de travailler (NWoW) et de créer de la valeur au travers de nos projets entrepreneuriaux.

Dans ce monde changeant la digitalisation accélère le tempo, la rupture est la norme et l’entrepreneur ne peut plus se définir uniquement par le succès d’une activité mais bien par le savoir-faire et l’expérience accumulée au travers des projets qu’il porte. La résilience est clé et la valoriser est essentiel.

Le démarrage d’un projet, sa réussite, les échecs, la transmission, les collaborations, la circularité sont un ensemble de scénarii sur lesquels l’entrepreneur peut apprendre à réfléchir.

Les déchets des uns peuvent alors devenir la ressource d’un tiers. Le point de départ d’un nouveau récit, d’un projet à co-construire. Par des boucles d’apprentissage l’information et la création de valeur sont mutualisées. Les pairs partagent un enjeu commun et par une réflexion sur le modèle économique circulaire, les acteurs trouvent de nouvelles sources de revenus et de valorisation de leur activité.

Documenter, distribuer, contribuer à un projet, à un process ou être un acteur d’un écosystème, devient la ressource d’un territoire. Les entrepreneurs peuvent contribuer à l’entretenir, mutualiser les ressources pour le gérer, apprendre à les valoriser.

Cette approche fait écho et raisonne avec les bases de l’Économie Donuts promue par Barbara TRACHTE en RBC. Et que le PRR (Plan de Relance Régional) a enclenché en 2021 durant la Crise Covid.

C’est sur ce terrain que le Facilitateur en Transition intervient.

Futur et scenarii: nouvelles narrative et design thinking

La Crise environnementale à laquelle nous faisons face et dont la Crise Covid est un prémisse sonne la fin de l’innocence et nous précipite dans une conscience redoublée. Reste alors la culpabilité ou l’imagination.

L’idéal de révolution n’a plus beaucoup de signification à présent. Le concept de la tradition platonicienne ou de la tradition rousseauiste animé par l’idée qu’il existe un passé admirable à actualisé est terminé. Le concept de Transition remplace aujourd’hui celui de l’idéal révolutionnaire désuet.

Transition, “transire” “aller au-delà”, le mot est, dans son étymologie, inséparable de l’idée qu’il faut faire exister le futur dans nos réflexions présentes. Pour cela il faut sortir de l’approche intellectuelle mécanique, dans laquelle le futur est une conséquence du présent, dans laquelle nos actions ont un impact spécifique sur le futur.

On peut alors s’intéresser à la notion de préférence et ouvrir l’Arbre des possibles. L’Arbre du Changement et/ou de la Transition dans lequel on identifie les causes et les effets d’un dispositif entrepreneurial pour la grande majorité des cas encore pensés dans une perspective linéaire. Le travail de facilitateur peut alors consister dans un accompagnement à penser le changement et réfléchir les Business Cases linaires dans une perspective de scénario qui favorise un écosystème circulaire.

Les scénarii sont alors un ensemble de futurs dans lesquels le facilitateur amène le porteur à redéfinir son projet entrepreneurial pour réaliser de nouveaux objectifs au travers d’un plan d’actions.

Martice Personna: business cases et scenarii multi-acteurs

Ma collègue Géraldine a pu engager un travail de fond durant toute l’année 2021 en pleine Crise en rencontrant un panel d’entrepreneurs bruxellois.

Une Matrice Personna est un outil qui permet de dresser une cartographie des projets en présence. Sur base de ces profils archétypaux, nous avons imaginé rencontré les entrepreneurs afin de relire leur Business Model actuel linéaire ou circulaire et réfléchir avec eux de nouveaux modèles d’affaires dans une perspective visant à activer des écosystème circulaires sur le territoire de la Région bruxelloise.

Causalité linéaire et Business Model

Commençons par le plus simple. La causalité linéaire est le type de causalité que l’on rencontre dans les sciences classiques, la majorité des théories économiques, la psychologie analytique, ou autres domaines de la vie quotidienne, et qui d’une certaine manière structurent nos modes de pensées et nos raisonnements, à savoir qu’un phénomène peut se concevoir à travers une cause qui produit un effet, qu’une cause est toujours antérieure à l’effet, rien n’étant plus logique pour nos concepts temporels, et si ce n’est pas encore assez précis, que l’effet est consécutif au(x) facteur(x) qui le cause(nt), considérant que le phénomène en question s’inscrit dans un environnement ou un contexte où les autres variables paraissent insignifiantes, si tant est qu’on les ait identifiées.

L’accompagnement classique d’un entrepreneur jusque là consiste à circonscrire les risques liés au déploiement du projet entrepreneurial au travers d’outils tels que l’identification du modèle d’affaire, l’établissement du BMC (Business Model Canevas), la rédaction d’un Business plan descriptif du projet et d’un plan financier. Ce set d’outil constitue une bonne base pour guider les décisions et le plan d’action d’un entrepreneur tout au long du processus de création de son business.

Qu’en est-il de ces standards dans un environnement en perpétuel changement et comment accompagner au mieux un entrepreneur qui souhaite incarner l’innovation sociétal en changeant les paradigmes de l’entreprenariat à Bruxelles.

Le principe de causalité linéaire nous amène à penser les systèmes comme étant prévisibles, déterministes, pouvant être décrits par des équations ou des formulations simples, car les causes et les effets sont bien repérables, bien identifiables, contrairement aux systèmes complexes où il devient difficile de les identifier clairement du fait des nombreuses relations entre composants ou sous-systèmes, interactions, dynamiques, et boucles de rétroaction.

Types de changement: importance du diagnostic

Quand le contexte classique ne suffit plus à conduire le changement, la dimension cognitive de nos apprentissages devient essentielle. Différents types de changement peuvent être nécessaires dans un système, qu’il intervienne dans le système (niveau 1) ou qu’il affecte le système lui-même (niveau 2) pour retrouver un état d’équilibre.

Apprendre à conduire le changement est probablement l’un des enjeux majeurs de ce qui se joue dans un GEL lorsqu’un entrepreneur vient nous voir avec la perspective d’incarner la Transition sur le territoire de le Région bruxelloise.

Fragmentation des visions: comment coordonner un dispositif régional pertinent

Économie circulaire, causalité circulaire et la circularité

La circularité est un concept qui s’applique particulièrement aux systèmes complexes (mais pas uniquement) aussi bien ceux qu’offre la nature (organismes vivants, écosystèmes), que ceux conçus par les hommes (systèmes économiques, sociaux, bancaires, entreprises).

La visualisation de l’Economie Donut proposée par le Cabinet TRACHTE sur base des travaux de Kate RATWORTH offre une première expérience immersive à 360°de ce que pourrait être un tissu économique dans un contexte écosystémique. Liens forts entre les systèmes et prise en compte de l’entropie.

Dans les systèmes complexes, la présence de nombreux éléments qui interagissent, de nombreuses boucles de rétroactions, rend difficile la distinction entre l’effet et la cause d’un phénomène ou de l’évolution d’un processus, car l’effet rétroagit sur la cause engendrant ainsi la confusion des facteurs, et il devient difficile voire impossible de dire qui se trouve à l’origine de quoi. On n’a plus affaire à des causalités linéaires ou des causalités directes mais à des causalités circulaires qui font penser à la fermeture d’une boucle ; il n’y a plus de début ou de fin et les causes et les effets se confondent, enfin presque.

Espérons que cette précision théorique replace bien l’effet de langage qui amène une certaine confusion sur la notion de circularité.

Pour définir simplement la circularité, on peut dire que l’on est dans la circularité lorsqu’un phénomène ou un élément « A » influence ou agit sur un phénomène ou un élément « B » et que à son tour « B » influence ou agit sur « A », plus simple encore, on peut dire que l’un fait l’autre et l’autre fait l’un. Ex : « Les crédits font les dépôts et les dépôts font les crédits ».

Ce concept est intéressant, utile, efficace, car il permet d’évoluer d’une vision traditionnelle du monde organisé vers une vision plus globale, intégrant les dynamiques, les fluctuations, les amplifications, le perpétuel changement, les cycles, les ruptures, les divergences, parfois le chaos

Faire émerger une économie circulaire plus régénérative et hétérodoxe, c’est faire émerger toute une nouvelle narrative qui transforme l’économie basée sur les principes newtoniens vers une économie basée sur les principes de la thermodynamique et qui tiendrait compte de l’entropie comme l’avait bien identifié l’économiste Nicholas Georgescu-Roegen.

Qu’est que l’approche systémique?

Il est important d’évoquer succinctement l’approche systémique car on ne peut aborder la circularité isolément sans une mise en perspective. L’approche systémique est une approche théorique utilisée pour l’analyse ou l’étude des systèmes comprenant de nombreux éléments en interaction dynamique, parfois structurés en plusieurs niveaux d’organisation et en réseaux, dans un objectif de mieux le comprendre pour éventuellement mieux agir, appréhender ses dynamiques, identifier ses états de d’équilibre ou de déséquilibre, de stabilité ou d’instabilité, les boucles de rétroaction, ses échanges, ses flux, ses évolutions possibles, ses interactions internes et avec son milieu, etc., et en avoir une meilleure représentation.

Elle a vu le jour progressivement à partir de la deuxième moitié du 20ème siècle, s’appuyant sur trois théories fondamentales que sont la théorie de l’information, la cybernétique, et la théorie des systèmes, et son développement s’est projeté en opposition avec d’autres approches que l’on nomme « approches analytiques ». L’opposition s’exprime par rapport à la pure tradition cartésienne. et au réductionnisme, qui tendent à décomposer et découper un système en parties ou éléments indépendants, négligeant les interactions, ou pire, les ignorant, ainsi que les propriétés émergentes qui font que le tout est à la fois plus et moins que la somme des parties, montrant ainsi leurs limites dans la compréhension d’une globalité (exemple : comprendre l’être humain comme un TOUT, en interaction avec son environnement). En fait il n’y a pas vraiment d’opposition entre l’approche systémique et l’approche analytique, elles sont tout simplement complémentaires, il s’agit juste de bien fixer l’approche la plus pertinente en fonction de l’objet étudié.

Complexité exponentiel: posture de l’entrepreneur

On le voit, la complexité ne peut être approchée, étudiée, comprise, uniquement par les outils intellectuels classiques. L’approche systémique fait doucement son chemin et on en parle de plus en plus, dans des domaines dont on n’imaginait pas son application il y a quelques années, par exemple les thérapies familiales, les conflits dans l’entreprise, le management (ceci dit attention de ne pas mettre l’approche systémique à toutes les sauces si je puis dire). On doit faire évoluer progressivement nos modes de raisonnement, bien sûr sans remettre en cause un existant construit sur des siècles, une longue tradition cartésienne, mais savoir y adjoindre d’autres approches lorsque la complexité l’exige, par exemple pour l’étude de nouvelles approches thérapeutiques, des systèmes sociaux, de l’évolution de la délinquance, de la nouvelle économie mondialisée, du système scolaire, des écosystèmes. Beaucoup de travail en perspective ! Et la nécessité d’un vivier d’entrepreneurs qui incarnent cette économie de rupture, innovante et dynamique.

Nécessité de boucler les Loops: Quatrième Secteur

Les enjeux qui menacent aujourd’hui la santé de notre environnement naturel, la durabilité de nos économies et même nos modes de vie, s’avèrent si complexes et interconnectés qu’ils ont inspiré de nouveaux types de collaborations et d’organisations – appelées le Quatrième secteur.

Parallèlement à ces pressions pour trouver des approches radicalement nouvelles, un nouveau potentiel a été introduit par le développement des nouvelles technologies numériques, qui a suscité le développement d’un nouvel imaginaire partagé et d’une nouvelle culture, donnant naissance à de nouvelles approches.

You never change things by fighting the existing reallty. To change something, build a new model that makes the existing model obselete

Buckminster Fuller

En d’autres termes, de nouveaux problèmes épineux ont rencontré un cohorte d’entrepreneurs qui souhaitent incarner le changement qui pense avec les nouvelles technologies et qui jongle avec le réel et le dématérialisé. L’esprit de ce noyau s’est emparé de ces nouveaux outils et a adopté la nouvelle culture pour former de manière embryonnaire le 4ème Secteur. Lorsqu’elles réussissent, les entreprises du 4ème secteur créent des opportunités radicalement nouvelles pour l’innovation et l’entrepreneuriat.

Identifier, accompagner et proposer un cadre de travail adapté et soutenant à ce secteur émergeant semble rentrer dans les missions d’un dispositif de première ligne comme les GEL.

Le Quatrième (4ème) Secteur est un espace d’expérimentation de nouveaux modèles économiques et organisationnels: futur fit.

Les entrepreneurs s’organisent en réseaux ouverts, utilisant Internet pour communiquer et coordonner les actions sur le terrain.

Ces réseaux sont organiques, dynamiques et polyvalents. Ils n’ont pas besoin d’un siège social ou d’une personne morale pour les représenter. On parle de structure décentralisée.

Ce ne sont pas des coopératives, des organisations à but non lucratif ou des SRL, ce sont des “créatures” du 4ème secteur à venir.

Les Réseaux Ouverts Contributifs (ROC) sont de nouveaux canaux pour le potentiel social latent, mais se heurtent à des barrières institutionnelles insurmontables.

Ces nouveaux types d’organisations ont un réel impact mais leurs structures et leurs gouvernances ne sont pas reconnues par nos institutions, comme si elles n’existaient pas.

Travailler à l’émergence de ce Quatrième secteur semble crucial aujourd’hui lorsqu’on parle de changement de paradigme économique.

Co-construire et déployer ce secteur d’activité avec les entrepreneurs qui incarnent ses valeurs aujourd’hui à l’échelle de la Capitale de l’Europe doit faire partie des priorités si l’on souhaite une nouvelle narrative complète pour la Transition et ainsi boucler la boucle.

--

--